Antibiotiques : la grande histoire de la
pénicilline, vérité et controverse.
Compte rendu du b'art du 29 Novembre 2008 (31éme du nom)
Antibiotiques : la grande histoire de la pénicilline, vérité et controverse.
(par Patrick et Didier)
Notre ami Patrick FAUVEAU, chimiste de formation, nous a raconté la longue et intéressante histoire de la pénicilline. Les auditeurs attentifs ont bien compris pourquoi il a tenu à mettre ce titre " vérité et controverse" ; car après les recherches que la passion l'a poussé à faire, il s'est vite rendu compte qu' Alexander FLEMING (1881 / 1955), a qui est attribuée la "découverte" de la pénicilline, n'était pas le premier dans ce domaine.
Patrick nous explique d'abord que ses nombreuses années dans un laboratoire chez ROUSSEL-UCLAF à ROMAINVILLE (entreprise devenue depuis SANOFI-AVENTIS) lui ont donné le goût de la recherche. Ainsi, récent jeune retraité (quel veinard..), il s'est intéressé à l'histoire de la science et notamment de la pénicilline.
- Déjà à la Renaissance (les documents antérieurs n'existant pas), un certain Jérôme FRACASTOR (1483 / 1553), humaniste, poète et surtout médecin du pape FARNESE, avait publié un poéme en latin sur la syphilis, ses maux et ses remèdes et proposé une théorie sur la contagion. Cette maladie vénérienne était à l'époque considérée comme "pire que la peste". Il préconisait alors un traitement à base de mercure, en fumigations et autres frictions. Lorsque l'on sait, de nos jours, que le mercure est un métal lourd extrêmement toxique, on se demande quel était le pourcentage de réussite de ses traitements...
Sa théorie se résumait ainsi "la contagion est une infection passant d'un individu à l'autre, par le biais d'êtres vivants si petits (seminairia contigionis) qu'ils sont invisibles à l'oeil nu". Il persistait en affirmant : "Il faut toujours se souvenir que le plus important est de combattre le germe et de s'opposer à la contagion".
- C'est Anton Van Leeuwenhoeck (1632 / 1723), un hollandais qui permit, un peu par hasard, à la science de faire de gigantesques progrès. Ce drapier, dont la mère tenait une brasserie, et le père fabriquait des paniers en osier, eut l'idée de construire un microscope rudimentaire en s'inspirant de la technique qu'utilisaient les drapiers pour examiner à l'aide d'une bille de verre la qualité du tissage des étoffes.
Il se pencha alors, bien lui en prit, d'abord sur du poivre (dont il pensait que le goût piquant venait de petits aiguilles incorporées) pour ensuite observer toutes sortes de microorganismes dans le sang , la salive, le sperme et il en fit des dessins très précis sous forme de planches. La théorie de FRACASTOR était vérifiée : la contagion était due à la présence d'êtres vivants, de germes, que Van Leeuwenhoeck nomma animacules.
Dès lors, la recherche concernant les infections prit son envol.
- Joseph LISTER (1827 / 1911), un chirurgien et naturaliste anglais, que l'on présente comme le père de l'asepsie, observa que la gangrène était causée par la présence de microorganismes. Ainsi, plus de 40% des personnes opérées à l'époque mouraient de cette terrible gangrène. Il eut l'idée, en observant dans la nature que l'acide phénique enlevait les mauvaises odeurs des champs d'épandage, d'utiliser ce même acide (=le phénol) pour traiter les malades. Il venait de découvrir le remède contre la putréfaction et les germes. Il écrivit un "fascicule pour l'hygiène"... mais visiblement, nous dit Patrick, personne ne le lut en France durant la guerre de 1870, car sur sur 13173 blessés ayant subi une opération 10006 moururent suite à une infection , soit un taux de mortalité de 75% !
- Ce fut ensuite la découverte par John Scott ANDERSON(1828 / 1905), médecin anglais du pénicillium glaucum, champignon microscopique. Découverte qu'il fit à l'aide de l'étude de bouillons de culture, lesquels se font dans de petites récipients de verre nommés "boîte de Pétri", (du nom de l'ingénieur allemand qui les inventa)
Il s'avéra plus tard que ce champignon était : de la pénicilline.
L'arme fabriquée par un microbe pour combattre un autre microbe était née !
- Puis vint Louis PASTEUR (1822 / 1895) et ses études. Avec Jules JOUBERT, ils observèrent l'action inhibitrice de certaines moisissures sur les cultures du bacille du charbon (lequel bacille est responsable de la maladie du charbon chez le mouton et parfois chez l'homme.
On voit donc que bien avant FLEMING, les observations, études et conclusions concernant cette fameuse pénicilline étaient nombreuses.
- Que dire dès lors de Hans Joachim GRAM (1853 / 1938) qui mit au point une technique de coloration, qui permit de classifier les bactéries en deux catégories, toujours d'actualité aujourd'hui ! (Même si de nos jours existent des sous-classes)
les BACTERIES GRAM - LES BACTERIES GRAM +
- Paul VUILLEMIN (1861 / 1932), mycologue suisse, mit lui en évidence, l'action du pénicillium glaucum, sur diverses cultures bactériennes. C'est à lui que l'on doit le terme antibiose, (par opposition à symbiose)
- Patrick évoque ensuite le nom d'un militaire français : Ernest DUCHESNE (1874 / 1912) qui démontra les propriétés curatives du pénicillium glaucum, sur des porcs infectés par la typhoïde. André GRATIA, lui, (1893 / 1950), bactériologiste belge, observa l'inhibition d'une culture de staphylococcus aureus, dénommé le staphylocoque doré !
- Arrive (enfin, dirai-je) Alexander FLEMING (1881 / 1955), bactériologiste écossais qui, tout à fait par hasard découvrit la présence d'un champignon qu'il nomma PENICILLINE sur un bouillon de cultures de staphylocoques additionné à une moisissure pénicillium notatum . Mixture (Miam !), qu'il retrouva contaminée à son retour de vacances.
Certes, l'histoire a retenu son nom comme le découvreur de la pénicilline, mais il est juste également - et c'est le message de Patrick- , de nommer tous ceux qui ont oeuvré pour cette découverte phénoménale. car ne nous leurrons pas : sans ce médicament miracle, les hommes subiraient de la part des microorganismes que l'on nomme microbes, d'innombrables attaques mortelles.
En France, Jacques TREFOUEL (1897 / 1977) et René DUBOS (1901 / 1982) sont des noms chers à Patrick. Le premier, chimiste français, pour avoir développé à l'Institut PASTEUR les sulfamides. Il démontra que le prontosil utilisé comme antibactérien par Gerhard Domagk se dégradait dans l'organisme et que la molécule active était un sulfamide. Cette découverte conduisit à la synthèse de centaines de sulfamides. La société ROUSSEL-UCLAF développera le premier sulfamide en France : le Rubiazol.
Le second, ingénieur agronome, pour avoir compris que les microorganismes doivent être étudiés dans leur milieu naturel, et non en cultures de laboratoire. Il étudia donc l'humus des forêts, devenant ainsi, outre le découvreur de la Gramicidine, l'un des premiers écologistes avertis . Il fut à l'origine du programme des Nations-Unis pour l'environnement, présenté à Stockholm en 1972.
D'autres noms ont accompagné la découverte de la pénicilline. retenons simplement que c'est en 1946 qu'elle fut mise en vente dans les pharmacies, et que la société ROUSSEL-UCLAF (si chère à notre ami Patrick , tant il y a passé visiblement de belles années) tient un rôle primordial dans cette avancée (notamment avec la création de la SOFRAPEN : Société française de pénicilline).
Tout le monde a bien compris que la pénicilline est donc vitale à nos société, même si, de nos jours "les antibiotiques, c'est pas automatique". Il est superflu en effet de lutter contre des maladies virales avec des médicaments opérationnels contre les maladies microbiennes...
Un petit conseil par contre : si vous prenez des antibiotiques, n'arrêtez pas en plein milieu du traitement car leur efficacité est lente et progressive.
Le rendement de la pénicilline en fonction des souches de penicillium est passé de 40 unités par ml en 1942 à 60000 unités par ml de nos jour (sachant qu'une unité représente 0,6µg). Un propos tenu par Patrick m'a marqué. Il a lu dans l'un de ses nombreux documents que sans la pénicilline, durant la seconde guerre mondiale, les infections auraient tué autant d'hommes que les combats.
Mais la lutte n'est pas terminée. Les infections sont toujours là, et la science plus indispensable que jamais (je fais ici un petit coucou à tous les bénévoles qui vont se réunir la semaine prochaine pour le Téléthon...dont Patrick. ). Ce sont des hommes tels que lui, humanistes dans l'âme, passionnés et sympathiques qui nous poussent, à Arts et liens, à nous réunir une fois par mois au restaurant franco-indien. Merci à toi Patrick, de ta générosité, ton savoir et ton amitié !
N'hésitez pas, la prochaine fois, à vous joindre à nous !
PETIT GLOSSAIRE
MICROBE ("petite vie" en latin) :
Terme utilisé pour désigner un microorganisme. Ce terme a été proposé à l'académie des sciences par Charles Emmanuel SEDILLOT en 1878
ANTIBIOTIQUE :
Toute substance chimique produite par des microorganismes ayant le pouvoir d'inhiber ou de détruire les bactéries.
PENICILLINE :
Molécule chimique produite à partir d'une souche de penicillium notatum et possédant des propriétés antibactériennes par action inhibitrice sur la synthèse de la paroi bactérienne.