L'exploration du système solaire par
les sondes spatiales, de 1960 à
2010
Compte rendu du b'art du 16 Mars 2011 (58éme du nom)
(par Bernard Lhéritier
du
Cercle des Amateurs
d'astronomie)
Conférence"L'exploration du système solaire par
les sondes spatiales : de 1960 à
2010"
avec Régis COURTIN
(L.E.S.I.A.)
L'ère spatiale, initiée en octobre 1957, a dépassé les 50 ans. Un bilan est donc légitime.
I Un moyen de transport : la propulsion gravitationnelle
A la fin des années 50, on envisage un voyage de 30 ans pour aller jusqu'à Saturne. Mais déjà en 1951, un étudiant en physique à Los Angeles, Michael Minovitch, propose une solution pour gagner du temps et économiser du carburant. Il se fonde sur les calculs d'Henri Pointcarré résolvant le problème de l'attraction à trois corps. Il sait aussi que Tisserand a confirmé les résultats de Pointcarré en observant les comètes, qui voient leurs trajectoires déviées au voisinage d'une planète jouant le rôle de troisième corps.
Minovitch propose qu'une sonde ne se dirige pas directement vers une cible lointaine selon " l'orbite de Ohmann ". Au lieu de cela, l'engin exécuterait des passages à proximité de quelques planètes dont elle subirait l'attraction. Le déplacement de la planète sur son orbite donnera à la sonde une accélération importante. Si l'on pense que la Terre se déplace sur son orbite à 30 Km par seconde, on voit qu'une telle accélération n'est pas négligeable.
Un bon exemple est la sonde Galileo, lancée en 1989. Elle a été accélérée par Vénus, puis par la Terre, puis encore une fois par la Terre, avant d'atteindre Jupiter.
Le même procédé permet aussi de réduire la vitesse d'une sonde, si elle s'approche d'une planète en sens contraire du déplacement de l'astre.
II Et d'autres moyens
Une sonde équipée d'un puissant générateur électrique peut diriger vers l'arrière un champ électrique très fort. Celui-ci éjecte à grande vitesse un gaz ionisé. Point n'est besoin alors de dépenser beaucoup de gaz ; la rapidité d'éjection vers l'arrière assure par réaction une accélération vers l'avant.
Le procédé a été testé avec succès sur la sonde européenne Smart One jusqu'à la Lune. Il propulse actuellement New Horizons, en route vers la lointaine Pluton.
Bien entendu, ce moteur électrique n'empêche aucunement d'employer aussi la propulsion gravitationnelle.
La voile solaire est une vaste surface de métal. La lumière du Soleil vient la frapper, donc la faire avancer. La poussée est faible puisque les photons n'ont pas de masse, mais la pression de radiation agit, comme on le voit dans les jouets fondés sur ce principe, les radiomètres.
La voile solaire n'a jamais été réalisée dans les faits.
III La diversité du système solaire révélée par les sondes.
a) Mercure Avant l'envoi des sondes interplanétaires, l'astre n'était guère qu'une tache pâle où les télescopes s'épuisaient à tenter de discerner des détails de surface.
La mission américaine Mariner 10 a cartographié 60 % de la surface. Messenger a complété. En 2014, la sonde européenne Bepi-Colombo fera une nouvelle étude.
Pour se mettre en orbite autour de la planète, il a fallu plusieurs passages auprès d'elle, chaque croisement diminuant la vitesse de la sonde. Messenger se mettra en orbite après-demain !
Nous avons découvert une surface cratérisée ressemblant à celle de la Lune. Le sol est couvert de régolithe, cette poussière fine arrachée aux roches par les ions rapides du vent solaire.
Rembrandt est un cratère de 720 Km, constitué de plusieurs bassins concentriques.
Caloris Planitia est un bassin jeune, formé come les " mers " de la Lune : au temps où le magma sous la croûte était chaud et fluide, un impact violent a crevé l'écorce, permettant au basalte liquide de se répandre en surface. Ce sont des terrains jeunes car peu cratérisés.
On trouve aussi sur Mercure des volcans de forme hawaïenne, en bouclier très arrondis. Ils nous prouvent qu'aucun mouvement de plaques n'a jamais déplacé des morceaux de l'écorce, comme nous le voyons sur Terre.
b) Vénus Les atterrisseurs soviétiques ont révélé une pression de 90 atmosphères terrestres. La température monte à 460°. Car l'effet de serre imposé par le gaz carbonique est considérable.
La mission européenne Vénus Express étudie l'atmosphère depuis 2006. Cette atmosphère est en superrotation, effectuant un tour de la planète en 4 jours alors que Vénus fait une rotation en 243 jours ! Cette atmosphère est riche en nuages d'acide sulfurique (les composés soufrés ont été dégagés par les volcans). On y trouve aussi de l'acide chlorhydrique. La vapeur d'eau est absente, s'étant échappée à cause de l'effet de serre.
La sonde a fait connaître aux deux pôles des doubles vortex, rotation de gaz autour de deux cyclones.
Le sol est connu par l'atterrisseur soviétique Venera 14. On voit des roches aux arêtes vives, comme fracturées. Derrière elles on remarque une pente qui est peut-être la base d'un volcan.
La géographie de ce monde caché sous une atmosphère impénétrable nous a été dévoilée par le radar Magellan qui s'est satellisé autour de la planète pour la cartographier, de 1985 à 1989. La surface est modelée par le volcanisme. Ce sont des volcans morts, semble-t-il. On trouve aussi des diapires, sortes de galettes qui s'élèvent au-dessus de la croûte.
c)Mars Son exploration s'est souvent faite en collaboration entre les U.S.A. et l'Europe (NASA-ESA) ou entre les U.S.A. et le Japon (NASA-JAXA).
La " fenêtre de tir " ne s'ouvre que tous les deux ans. L'atterrissage est difficile, l'atmosphère très peu dense ne permettant pas un freinage efficace. Il faut donc entrer dans cette atmosphère selon un angle très aigu, et parcourir des centaines de Km avant de toucher le sol.
Les images envoyées par les sondes Viking en 1976 ont été un choc : ce monde est un désert de sable et de roches. On n'y trouve ni vie ni eau.
Les missions suivantes ont découvert des traces d'écoulement d'eau. Ces traces sont anciennes, elles remontent au temps où la planète possédait une atmosphère dense, quand la température et la pression permettaient à l'eau de rester à l'état liquide. Puis l'atmosphère et l'eau se sont lentement échappées. Ce n'étaient que des coulées éphémères, les " coulées dendrétiques ". Et pourtant, il arrive qu'en rapprochant deux photos des sondes prises à quelques années d'intervalle, on trouve sur la plus récente de légères traces d'écoulement qui n'étaient pas sur la première !
Les robots posés sur place ont aussi montré des tourbillons de poussière au fond des cratères. Ils laissent des traces ensillons très fréquentes à la surface de Mars car la coloration rouge du sol n'a qu'une très faible épaisseur.
Signalons aussi les vastes tempêtes de sable qui agitent l'atmosphère tous les 18 mois.
Et cet été, se posera sur le sol de la planète un nouvel explorateur mécanique, très équipé pour étudier le sol : Mars Surface Laboratory.
d) Astéroïdes et comètes Ces objets révèlent enfin leurs formes, leurs couleurs, leurs densités. L'astéroïde Gaspra fut photographié le premier. Une sonde percuta Eros en 2001.
La JAXA envoya sur l'astéroïde Itokawa, la sonde Hayabusa. Un projectile percuta l'objet, les poussières qui s'en dégagèrent furent saisies pour un retour sur Terre. Nous attendons les résultats des analyses.
Les comètes ont été étudiées par des sondes telles que Giotto (comète de Halley), Rosetta
Et à chaque exploration, on trouve des caractéristiques spectrales un peu différentes.
e) Jupiter C'est la sonde Galileo qui est allée à sa rencontre en 1995. Elle nous a révélé que la Grande Tache Rouge, connue depuis le XVII° siècle, a un certain sens de rotation à l'extérieur, et un autre sens à l'intérieur. La Grande Tache se trouve à 8 Km au-dessus des nuages.
New Horizons en route pour Pluton a donné d'autres images de Jupiter pendant la propulsion gravitationnelle. On y voit un orage dû à une masse de gaz plus chaud qui monte des profondeurs. D'autres vues permettent d'apprécier l'effet de cisaillement entre bandes qui ne tournent pas à la même vitesse. Et le même phénomène a été vu sur Saturne. Les vents les plus rapides sont ceux de l'équateur : presque 800 Km-heures sur Jupiter, 1500 sur Saturne !.
f) Saturne Il est actuellement exploré par la sonde Cassini-Huygens. Seule une sonde nous permet de voir les anneaux par-dessus, et même de voir les pôles de Saturne. Cette sonde de 6 Tonnes est un laboratoire complet.
Elle rend visible l'émission thermique provenant des couches internes, qu'elle capte en infrarouge. Les nuages d'ammoniac situés plus hauts et absorbant la chaleur apparaissent noirs. On voit également le vaste vortex du pôle.
Le laboratoire spatial enregistre sur la planète une température de -100° C, et sur les anneaux une température de -260°.
g) Volcanisme dans le système solaire
Voyager passant près de Io, satellite de Jupiter, y a vu le panache d'un volcan. Les autres sondes ont contemplé un monde agité par le volcanisme et porté à 1100°C, aussi chaud que les volcans terrestres. La proximité de Jupiter induit des effets de marée qui brassent l'intérieur du satellite, dont l'intérieur est complètement fondu. La surface est couverte de dépôts de soufre. Les panaches de gaz sont du soufre en poussières. Ils retombent sur la surface mais alimentent un tore autour de Jupiter.
Triton est un satellite de Neptune. Sa surface est couverte d'azote gelé et de méthane gelé. Mais une serre solide de méthane réchauffe localement la surface, permettant le jaillissement d'un geyser de méthane à -150°C
Encelade est un satellite de Saturne. Son pôle Sud souffle des geysers d'eau un peu salée. Ces geysers sortent de vastes sillons situés près du pôle Sud. La température de ces crevasses est 20 à 30 °plus chaude. L'eau liquide qui est sous la croûte s'échappe à -30°C parce qu'elle est mélangée à des antigels. Le phénomène dure constamment, peut-être depuis des centaines d'années
Titan est dévoilé par Cassini-Huygens. Son épaisse atmosphère d'azote empêche de voir le sol. Mais l'infrarouge proche donne accès à la surface. On voit un cratère qui éjecte un matériau boueux, mélange de glace d'eau, d'ammoniac et de matériaux organiques. Ce volcanisme particulier est rare sur Titan.
Titan nous a montré des réseaux de dunes formées de particules organiques solides.
Il porte des lacs de méthane liquide car son atmosphère est riche en méthane, à une température proche de la condensation : il se produit donc des pluies de méthane alimentant des fleuves et des lacs. L'atterrisseur Huygens a montré des galets de glace d'eau, colorés par les matières organiques qui tombent du ciel.
h) Neptune Contrairement à Uranus, cette planète rayonne deux fois plus d'énergie qu'elle n'en reçoit du Soleil. La surface des nuages montre la Grande Tache Sombre. Des nuages sont répartis sur l'atmosphère. On voit qu'il s'agit d'une atmosphère active.
i) Pluton, Charon Ce sont des objets peu connus. Pluton possède une atmosphère très ténue de méthane. Le télescope spatial a remarqué sur Pluton des zones plus brillantes, mais nous ne savons pas les interpréter. La sonde New Horizons lèvera bien des incertitudes quand elle atteindra Pluton et sdon satellite Charon.
Conclusion
Nos connaissances les plus précises sur le système solaire nous ont été fournies par les sondes interplanétaires. Aucune observation depuis la Terre ne vaut une visite sur place.
Et chaque mission remplie apporte son lot de surprises car tous ces mondes sont imprévisibles.