Conteur : Il
était une fois, une vilaine sorcière qui vivait au fond d’une sombre forêt. Sa
maison était toute grise, comme ses cheveux. Le toit était tout rouge comme son
visage lorsqu’elle se mettait en colère. Parfois la cheminée fumait, mais on
n’entendait jamais de rires ni de chansons dans cette maison : la sorcière
était toute triste. Les gens du village voisin ne l’aimaient pas beaucoup. On
disait qu’elle changeait les hommes en animaux et les animaux en bêtes.
Sorcière (Elle s’adresse à un lièvre) :
Abracabi abracaba, la misère apporteras Abracabi abracabo tu deviendras un
escargot tout chaud.
Conteur : Un
jour, alors qu’elle lisait un vieux livre plein de formules magiques (un
grimoire), elle se mit à rire très fort :
Sorcière : Ha haha ! Ce manuscrit va
me servir à faire davantage de mal encore. Je vois ici une recette pour
transformer les brunes en blondes. Je vais de ce pas me mettre au travail.
Conteur : Et
elle alla dans les champs ramasser des feuilles de noyer, des feuilles de
pruniers, des tiges de blé et des orties en larges brassées.
Sorcière : Ouille, ça pique !
Conteur : Elle
retourna dans sa maison toute grise, alluma un grand feu avec des bûches de
chêne dans son cantou. Elle remplit un grand chaudron d’eau et de terre, et
hop, mit tout ça sur le feu. Aussitôt, les flammes crépitèrent et le chaudron
tout noir se mit à frémir, devenu sang et rouge comme les braises. Puis, la
vilaine sorcière y jeta ses feuilles de noyer, ses feuilles de pruniers, ses
tiges de blé et ses orties en larges brassées.
Sorcière : Ouille, ça pique !
Conteur : Après
quelques minutes, elle touilla, elle touilla. Le chaudron faisait bloub bloub.
Soudain elle s’arrêta ; se gratta la tête et le menton, puis le dessus du
crâne et son poil au menton.
Sorcière : Est-ce qu’il faut rajouter du
sel ?… Voyons voyons.
Conteur : Elle
prit de nouveau le grimoire, slurp slurp, le feuilleta pour retrouver sa
recette…
Sorcière : Voilà. Alors, des feuilles de
noyer, des feuilles de pruniers, des tiges de blé et des orties en larges
brassées Ouille, ça pique ! Pas de sel…
Conteur : C’est
alors que pour une raison que j’ignore, le vieux grimoire magique lui échappa
des mains, se referma d’un seul coup PAF sur son nez, OUILLE, et tomba d’un
seul coup PLOUF dans le chaudron !
Sorcière : Misère, catastrophe !
Conteur : La sorcière
se mit, désespérément, avec une passoire, à essayer de récupérer son livre dans
le potage !
Sorcière : Houf Houf, ça brûle ! Aïe
aïe aïe, c’est trop chaud !
Conteur : Et il
fallut bien attendre vingt minutes que cela refroidisse pour qu’elle puisse
retirer du chaudron, ce vieux grimoire tout dégoulinant Beurk ! Sans plus
attendre, et en maudissant celui ou celle qui lui avait fait faire cette
bêtise, elle alla dans son jardin, étendre sur un fil à linge, le vieux
grimoire tout trempé. A peine était-elle sortie que le chaudron qui était
encore tout tiède, à cause des dernières braises qui luisaient dans la
cheminée, se mit soudain à … bouger ! Mais oui, à bouger. Aussi bizarre
que cela puisse paraître, il y avait du monde à l’intérieur.
Sorcière : Mais qui cela peut-il bien
être ?
Conteur : Tout
d’abord, on aperçut un béret, deux yeux puis une paire de moustaches. Où …Où
sommes-nous ? Demanda inquiet ce bonhomme en maillot blanc et pantalon
noir avec aux pieds, de jolies charentaises ?
Conteur : Je ne sais pas lui répondit, à
l’intérieur du chaudron, une petite voix toute effrayée. Et à son tour, on vit
apparaître deux grands yeux et… et une grosse main toute blanche recouverte
d’un gant. Enfin, quand je dis toute blanche, je devrais
dire toute grise car la suie de la cheminée, et la potion de la vilaine
sorcière avaient vraiment taché ses quatre doigts.
LELALES : Regarde moi ça, NOM COMMUN (fit-il
en pleurnichant). J’ai l’impression d’avoir passé la nuit dans une étable.
Je n’ai jamais été aussi dégoûtant !
Nom Commun : Tu as
raison LELALES, Moi, c’est la même chose. Je me sens aussi crasseux que si
j’avais passé la nuit avec des cochons dans la boue. Et puis SNIF SNIF –– on
sent vraiment mauvais. Que s’est-il passé ?
ADJI : LELALES, NOM COMMUN, où
êtes-vous ?
Conteur : Au
fond du chaudron, une troisième voix se faisait entendre !
ADJI : Et bien les amis ! Que se
passe-t-il ici ?
Nom Commun : Viens
vite voir ça, ADJI ! Tu n’en croiras pas tes yeux ! Là, ADJI, c’est
sûr, cela vaut le coup d’œil ! Si c’est un appartement à louer, je ne suis
pas preneur ! Un vrai taudis.
Conteur : Et du
chaudron, apparut soudain une casquette… Mais cette fois, une casquette à l’envers sur
la tête, un visage plein de tâches de rousseurs avec une jolie mèche blonde…
Enfin, une mèche un peu mouillée et crasseuse elle aussi.
ADJI : Regardez les copains. C’est drôlement
sale ici ! On n’a j’ai jamais vu ça !
Lelales : Tu l’as dit ADJI ! Cela
nous change des jolies pages du grimoire dans lequel nous vivons
d’habitude ! Nous les articles, les noms communs et les adjectifs
qualificatifs, nous sommes bien trop importants pour vivre dans une chaumière
aussi sale et dans un chaudron BAH aussi dégoûtant. Il faut faire quelque
chose. Venez les amis, nous allons sortir de
ce vilain chaudron.
Conteur : Vous
avez compris, les enfants ? LELALES, l’article, NOM COMMUN et ADJI
l’adjectif qualificatif sortaient du grimoire, que la sorcière avait plongé
dans chaudron… En fait, sans le faire exprès, cette vilaine magicienne avait
donné naissance… à des AFFREUMOTS.